Les Hmongs vivent dans les régions montagneuses reculées d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Laos, Viêt Nam) et de la Chine du Sud ; c’est ce qui leur a permis de maintenir largement leur mode de vie traditionnel.
La société Hmong est organisée selon une structure clanique patrilinéaire. La solidarité s’étend d’abord à la lignée, quatre générations cohabitant le plus souvent sous un même toit.
Par tradition, l’opium, ainsi que les cultures vivrières (riz, manioc, maïs, légumes) sont cultivés selon un mode de culture itinérante : la végétation naturelle est brûlée pour créer un champ, la cendre servant d’engrais. Au bout de trois ou quatre ans, ce champ est abandonné à la végétation spontanée et un nouveau champ est préparé par brûlis. Cependant, les gouvernements font pression sur les Hmongs pour qu’ils cultivent plutôt la même terre année après année, en utilisant des engrais de synthèse et des insecticides chimiques.
Depuis le XVII ou XVIIIe siècle, les Hmongs cultivent l’opium et le conditionnent en pains étalonnés qui s’échangent contre des lingots d’argent — celui-ci étant nécessaire à la célébration des fêtes, et surtout à « l’achat » de la fiancée, qui se fait hors du clan.
La grande majorité des Hmongs ne sont pas fumeurs d’opium à proprement parler ; ils ne l’utilisent qu’à titre thérapeutique (fumé ou ingéré) à l’occasion de violentes poussées de fièvre ou de fortes douleurs (malaria, diphtérie, amibiases, blessures de guerre, règles douloureuses, suites d’accouchement, etc.). Il est entendu chez les Hmongs qu’un homme ne doit pas fumer d’opium avant que ses fils (qui habitent sous le même toit que lui) soient mariés et en état de travailler dans les champs, donc de subvenir aux besoins de la maisonnée.
Alors, et alors seulement (c’est-à-dire en général vers l’âge de 45 ou 50 ans), il est admis qu’un chef de famille puisse profiter d’un repos bien gagné (tout en soulageant les douleurs de l’âge). Ainsi les fumeurs d’opium réguliers représentent-ils 10% tout au plus de la société Hmong — les femmes constituant à peine le quart de cette population, car elles ne possèdent pas de champ et ne peuvent se procurer de l’opium que par leur mari ou leurs fils.
Les hommes d’âge mûr qui fument l’opium le cultivent en général eux-mêmes (l’acheter représenterait un lourd fardeau pour la lignée). Il est pour eux un vecteur de socialisation — fumé lors de fêtes, ou au retour d’un ami, ou pour palabrer entre Anciens. Dans ces réunions, la pipe est utilisée à tour de rôle, et délie les langues, comme l’alcool sous d’autres latitudes.
En revanche, il existe un petit nombre d’opiomanes (estimé à 0,5% de la population Hmong), en général jeunes, qui, ne réussissant pas à maîtriser leur consommation, ne sont plus en mesure de répondre aux normes sociales. Une consommation répétée (jusqu’à dix fois par jour) domine leur existence, interférant avec les horaires des repas, ce qui accentue leur désocialisation. Ces opiomanes fument le plus souvent dans des cahutes à l’écart de la maison. Incapables de travailler, ils sont obligés d’acheter l’opium qu’ils consomment, ce qui fait peser un double poids sur leur lignée et peut la mettre en péril.
La fréquence de ce type de consommation augmente avec les difficultés économiques et l’éclatement des structures familiales — choses qui sont fréquentes dans le contexte laotien actuel.
Les ustensiles qui servent à fumer l’opium chez les Hmongs sont rustiques ; les matériaux utilisés reflètent la présence de conflits armés dans la région.